110236 SE Literature Seminar (BA) - French (2019W)

« Nihiliste, réactionnaire, cynique, raciste et misogyne honteux : […]. Auteur plat, sans style, je n’ai accédé à la notoriété littéraire que par suite d’une invraisemblable faute de goût commise, il y a quelques années, par des critiques déboussolés. Mes provocations poussives ont depuis, heureusement, fini par lasser » : c’est ainsi que Michel Houellebecq, dans « Ennemis publics » (2008), résume la réception controversée de son œuvre en France (et ailleurs). « [G]rand consécrateur de l’ère du vide » (O. Bardolle), maître de la provocation et ennemi juré du politiquement correct, Michel Houellebecq a marqué toute une génération littéraire ; ces dernières années, l’ancien enfant terrible du paysage littéraire français semble pourtant en voie de canonisation – tout comme Virginie Despentes, « une sorte de réplique au féminin de Michel Houellebecq » (A. Fulda), qui ironise à son tour sur son propre « embourgeoisement », son émancipation de l’image cliché de la « meuf destroy de salon », cette « Despentes vachement construite » à la suite du scandale autour de « Baise-moi » (roman : 1994, film : 2000).
Lire l’extrême contemporain avec Despentes et Houellebecq : ce séminaire BA sera consacré à ces deux écrivains français majeurs de notre époque, dont les textes – ainsi que l’histoire de leur réception – invitent à une réflexion approfondie sur les rapports entre littérature et société. Après une présentation préliminaire de l’œuvre et du parcours de Despentes et de Houellebecq sous divers aspects (analyse narratologique et stylistique, contexte socioculturel, philosophique et littéraire, réception critique, approches théoriques, mais aussi images médiatiques et marketing littéraire, posture auctoriale et stratégies éditoriales, etc.), nous étudierons de près plusieurs romans récents : après « La Carte et le Territoire » (2010), couronné par le prix Goncourt, Michel Houellebecq provoque une vive polémique avec « Soumission » (2015), politique-fiction mettant en scène l’islamisation « douce » de la France du proche avenir ; avec son dernier roman en date, « Sérotonine » (2019), il propose encore une autre exploration littéraire de la société occidentale de nos jours, entre révolte et mélancolie suicidaire.
Dès 2010, Virginie Despentes se voit attribuer le prix Renaudot pour « Apocalypse bébé » ; son plus grand succès, jusqu’à ce jour, est sa trilogie « Vernon Subutex » (2015-2017), best-seller international, « a kind of ‘Comédie humaine’ for the twenty-first century » (L. Elkin) ; si la présentation de « Subutex » mise sur la référence balzacienne, Despentes est aussi affublée du sobriquet de « rock’n’roll Zola » (A. Chrisafis). Or, cette « fresque » romanesque adaptée, en 2019, sous forme d’une série TV, incite également à quelques réflexions sur la dimension médiatique de la littérature. « Je pense que je n’aurais pas conçu le livre de la même façon si je ne regardais pas autant de séries », affirme Despentes, méditant sur l’interaction entre « écriture romanesque » et « écriture filmique » dans l’extrême contemporain : « Si ces séries sont aussi populaires, alors même que leur structure narrative est souvent complexe, cela signifie que nous, spectateurs, sommes très éduqués sur les questions de narration. »
À part lesdites « questions de narration », nous mettrons l’accent, en travaillant sur les textes du corpus, sur la thématique du genre : entre « anarcho-féminisme » et « féminisme pro-sexe » de Despentes et misogynie – prétendue ou réelle ? – de l’œuvre de Houellebecq, ce sont justement ces deux romanciers qui, aux yeux de la philosophe Élisabeth Badinter, « ont su renouveler le rapport hommes/femmes » dans la littérature française de l’extrême contemporain.

Méthode : séquences de cours magistral (introduction thématique et théorique) ; exposés des étudiant-e-s ; lecture et discussion d’extraits de textes ; rédaction individuelle d’un mémoire de fin de séminaire/mémoire de BA.